Marguerite HUGEL est née à La Broque (Bas-Rhin) en 1894, sous le nom de Margrit HÜGEL à une époque où l’Alsace est annexée à l’Allemagne.
D’un caractère indépendant et affirmé, elle vit une vie hors du commun pour une jeune femme de son époque et, comme tous les alsaciens nés avant 1914, changera quatre fois de nationalité durant sa vie, ce qui aura un impact certain sur sa carrière.
Elle suit sa formation musicale à Strasbourg où ses parents se sont installés. Elle étudie le piano avec Léonie CLAUSS-WERLÉ puis avec Fritz BLUMER, et s’intéresse à la méthode de Marie JAËL à laquelle elle se réfèrera toute sa vie.
De 1916 à 1918, l’harmonie, le contrepoint et l’écriture lui sont enseignés par Marie Joseph ERB, Lucien CHEVAILLER et la composition par Hanz PFITZNER, époque à laquelle il est directeur du conservatoire de Strasbourg.
En 1922, elle poursuit avec lui cette formation dans le cadre de la Masterclass de l’Académie des Arts de Berlin, enseignement délocalisé à Schondorf près de Stuttgart où réside le Maître. Avec Maria DOMBROWSKY (1897-1986) et Lilo MARTIN (1908-1986), elle fait partie des trois élèves-compositrices de ces masterclass. Des compositions de Marguerite sont interprétées lors des auditions d’œuvres des étudiants de la classe. Elle participe également au concert organisé en 1929 pour les 60 ans de Hanz PFITZNER. Le Scherzo de sa Sonate pour violoncelle et piano est publié à cette occasion dans un recueil d’œuvres composées par ses étudiants.
A Strasbourg, elle entretient des liens étroits, amicaux avec la famille MUNCH dont Charles, futur chef d’orchestre, et Fritz, chef de chœur et d’orchestre, futur directeur du Conservatoire de Strasbourg. Marguerite pratique la musique de chambre avec eux. Plus largement, elle participe à l’activité musicale de la ville en tant que pianiste ; elle prépare aussi des chanteurs pour leurs rôles d’opéras et les accompagne lors de récitals.
Les enseignements de CHEVAILLER et de PFITZNER et sa double culture lui permettent de travailler deux esthétiques : française et allemande. Les mélodies se placent notamment dans les courants impressionnistes : les Lieder révèlent une pensée musicale germanique parfois wagnérienne. Sa Sonate pour violoncelle et piano manifeste la connaissance des écritures schumannienne et brahmsienne.
Parmi ses notes personnelles figurent des chroniques dont l’une relate les répétitions et les concerts d’Otto KLEMPERER dirigeant les neuf symphonies de BEETHOVEN en 1936 à Strasbourg. Dans une autre, elle retrace des souvenirs de l’enseignement de Hanz PFITZNER.
Ces liens lui permettent de rencontrer des artistes, des musiciens, des personnalités comme Bruno WALTER et Thomas MANN, notamment lors de la première audition à Munich de l’opéra Palestrina de Hanz PFITZNER en 1917.
Sa Sonate pour violoncelle et piano est créée à Berlin au printemps 1924. Elle est redonnée la même année à Strasbourg avec cinq Lieder et cinq mélodies lors d’un concert uniquement consacré à ses compositions. Ses talents sont alors unanimement salués par la critique.
Ses Variations pour violon et piano sont créées à Berlin en 1927 avec PFITZNER au piano.
Elle se fait connaître d’un public alsacien plus large en composant la musique de scène pour D’r g’stiffelt Katzeroller, une version en alsacien de Ernest FUCHS du conte Le chat botté de PERRAULT donné en décembre 1927 et janvier 1928 dans la saison d’abonnement du Théâtre alsacien de Strasbourg.
En juin 1934, sa Sérénade pour petit orchestre et son Lied Tod pour baryton et orchestre sur un texte de HÖLDERLIN sont donnés à Strasbourg sous la direction de Fritz MUNCH dans le cadre d’un Festival consacré à de jeunes compositeurs alsaciens.
C’est dans l’entre-deux-guerres qu’elle semble être la plus jouée ainsi que la plus active dans les milieux musicaux.
L’Alsace est annexée au territoire allemand en 1940 et libérée en 1945. Durant cette période, les conditions de production artistique sont particulières et après le conflit, les données et les repères changent. En sus d’être une femme, le fait d’avoir étudié avec un compositeur allemand nuit à la carrière de Marguerite. Ses compositions futures seront surtout dédiées à sa famille, elle compose pour ses petits-neveux des contes illustrés (Histoire de Nounours, Album de Catherine), et sa dernière œuvre écrite à 81 ans est une mélodie sur un poème d’une autre petite-nièce, Le monde blessé.
Dans les années 1980, Marguerite mentionne que des musiciens viennent d’Ecosse pour travailler avec elle ses œuvres de musique de chambre. Ses Variations et sa Sonate pour violon et piano seront jouées lors d’un concert à Glasgow.
Elle entretient à cette période une correspondance assidue avec sa petite-nièce Catherine ZIMMER devenue musicienne, dans laquelle tout son humour et sa force de caractère apparaissent. Elle lui explique alors qu’elle recopie certaines de ses œuvres pour les déposer à la Bibliothèque Humaniste de Sélestat (Bas-Rhin).
Marguerite joue et enseigne le piano jusqu’à la fin de sa vie en cours particuliers.
Elle décède à Strasbourg en 1987, presque dans l’anonymat.
Elle laisse à sa petite-nièce en héritage tout le fonds musical encore présent dans sa maison lors de son décès.
En 1993, les artistes canadiennes Brenda MULLER, violoncelliste, et Bonnie SHEWAN JEFFREY, pianiste, œuvrant à faire connaître des compositrices, interprètent à l’Université de Fairbanks en Alaska sa Sonate pour violoncelle et piano.
Le musicologue Paul-Philippe MEYER a commencé à travailler sur le fonds déposé à Sélestat en 2019. Suite à ces recherches, des lieder ont été interprétés lors de concerts, notamment à Schiltigheim (Bas-Rhin) et Soultz (Haut-Rhin), et au festival d’Obernai (Bas-Rhin) en 2024 où le Scherzo de sa Sonate pour violoncelle et piano a notamment été interprété par Marc COPPEY et Jean-Frédéric NEUBURGER.
Paul-Philippe MEYER collabore depuis 2025 avec Catherine ZIMMER afin de compléter ce fonds et faire connaître à un plus large public cette compositrice injustement oubliée.
Biographie rédigée par Catherine ZIMMER et Paul-Philippe MEYER.
Marguerite HUGEL a composé :
- près de 70 mélodies et Lieder pour une voix et piano dont certains dans une version avec orchestre,
- une Sonate pour violoncelle et piano,
- des œuvres pour violon et piano dont une Sonate et un Thème et variations,
- quatre quatuors à cordes,
- un Requiem pour solistes, chœur mixte et orchestre
- des contes musicaux dédiés à ses petites-nièces et petits-neveux,
- des œuvres pour orchestre : Capriccio, Sérénade, Scherzo et canon, Fugato, Romance très dissonante…
Marguerite HUGEL a déposé des manuscrits à la Bibliothèque Humaniste de Sélestat (Bas-Rhin) dans le département « Compositeurs alsaciens » créé par le musicien et musicologue Gabriel ANDRÈS.
Le dépôt classé est consultable en suivant ce lien.
Le reste de ses manuscrits est conservé chez sa petite-nièce Catherine ZIMMER.
Plusieurs de ses œuvres sont en cours d’édition sur notre site dans ce catalogue.